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GAG38 : Le blog de l'asso des animateurs géronto de l'Isère
11 mai 2014

Animation et personnes âgées : le syndrome du triangle des Bermudes

Ce dimanche matin est un temps à surfer sur le web.

Je vous ai trouvé un texte d'Amédée-Pierre Lachal, auteur il y a une dizaine d'années (déjà) du livre, préfacé par Louis Ploton, "Animation en gérontologie : Hors sujet : D'une occupation de l'objet médical à un projet avec le sujet social".

Un article d’Amédée-Pierre Lachal en provenance

du site La maison de l’autonomie.

" Les individus vulnérables ont peu de relations, mais encore plus subtilement, des relations non susceptibles d’offrir un véritable système d’échanges.

Un sujet âgé, ou non, enfermé dans unité(« placé ») , dans une institution, qui lui fait violence, va retourner cette violence contre lui-même, et y laisser une partie de ses forces.

Le groupe Personnes âgées observé dans ces conditions, se trouve face à un risque de vulnérabilité relationnelle aigüe pour ne pas dire chronique, en raison essentielle de l’affaiblissement de l’échange dans les conditions institutionnelles qui lui sont imposées.

Ces personnes vont donc vivre une double disqualification, celle du grand âge dans la société, doublée par celle de l’enfermement dans une institution. Quant à ceux qui souffrent de pathologies démentielles, les limites de l’intérêt à communiquer avec eux réduisent la relation à un semblant d’échanges stériles, unilatéraux dépendants du bon vouloir des professionnels présents. Cette mort sociale, avant l’heure, sonne le glas de la re-connaissance de sa qualité d’interlocuteur privilégié.

Comment dés lors évaluer le vécu d’un dément ? Il faudrait pour le savoir, que l’un d’entre eux se décide à nous en faire part, à condition de lui en laisser le temps et l’espace.

Je rappellerai que pour le sujet âgé non dément, le principe reste le même ! Libérer la parole semble être le moyen le plus praticable, humain qui permette à nos ainés d’être reconnus, considérés en qualité de sujet à part entière, égaux à nous-mêmes. Demain notre tour viendra.

L’animation pourrait, dés lors, être le creuset de cette révolution copernicienne et institutionnelle, permettant, revendiquant pour l’autre de vivre debout, dignement jusqu’au bout.

Face à l’institution et aux soignants, la médicalisation de la vieillesse a enfermé les animateurs dans une toute autre logique. Celle de l’objet médical qui a supplanté le sujet social. Le profit des uns est inversement proportionnel à la perte des autres, ils ne génèrent que souffrance et mal être des deux côtés !

L’image même de l’animateur et de l’animation dans ce milieu est sujette à confusion. Quand il ne s’agit pas d’un soignant qui en fait office dans un moment de désœuvrement organisé, un personnage non qualifié fait l’affaire. La fonction de remplissage est la seule préoccupation du moment, l’occupation de l’autre pour endiguer l’ennui mortifère régnant. Rassurer les familles que la vie est bien présente dans l’enceinte devient le seul objectif.

Le professionnel patenté de l’animation est souvent perçu comme celui qui est on ne sait où et qui fait je ne sais quoi. A l’inverse de l’organisation incompressible du TEMPS du soin et des soignants.

Quant au vieux, lui il a tout le temps ! Son statut de « patient » est bien la preuve qu’il doit attendre, de résident, qu’il n’est pas chez lui...

L’animation et l’animateur deviennent un formidable faire-valoir, alibi de la démarche qualité

En établissement, le vieux sera, à l’insu de son plein gré, pris en charge et non pas en considération. Ce poids, ce fardeau, appellation devenue légendaire de notre sémantique professionnelle, finira par peser si lourd qu’il nous faudra trouver un moyen pour s’en débarrasser, l’indifférenciation en sera la réponse. L’individu disparaît au profit du groupe, de la masse, de l’objet il passera au nombre, seul indicateur d’évaluation de gestionnaire attentif à la rentabilité de leur placement.

Le projet de vie trouve à ce niveau sa seule raison d’exister. Pour le faire vivre, une nouvelle génération de sorciers thérapeutiques est apparue ! Tout est thérapeutique : éplucher des pommes de terre, peindre, chanter, lire... L’animateur agira et s’enfermera dans le cursus guérison, corps et psyché en souffrance. Exit le sentiment simple et régénérescent de bien-être et de plaisir. Là où l’animateur doit se positionner en qualité de coordinateur, il ne devient, par défaut, qu’un pion de la fonction principale de l’institution : le soin.

L’entrée en établissement pour les personnes âgées est le plus souvent caractérisée par un fort sentiment d’angoisse et perte non moins considérable de sa propre trajectoire identitaire. La question essentielle que nous devrions alors nous poser se résume ainsi : Cette double angoisse peut-elle être apaisée par la vie(obligée) en institution ?

Sans reconnaissance du sujet et de son intégrité identitaire, sans libération de la parole, de sa parole, toutes les formes de réponses, à nos yeux , sont illusoires, terriblement désuètes.

Pour mieux comprendre, l’entrée en institution impose que l’on s’interroge sur la transition biographique, non sur une programmation d’activités ou un activisme effréné. Infantilisant.

La décision du "placement" est largement prise par les familles et les professionnels. C’est à ce titre que j’évoque le syndrome du triangle des Bermudes. Syndrome qui détermine la disparition totale du vieux dans tout type de décision le concernant. Ce principe le transforme et le positionne définitivement comme un objet dont la non-détermination le placera à nos yeux comme inexistant. Il sera alors écarté de toutes décisions le concernant. Le placement va affirmer son incompétence à exister comme personne socialement déterminée, acteur de sa propre vie. Cette stigmatisation est une des sources de l’infantilisation dans la démarche d’animation.

Plus aucun risque ne sera pris par ce dernier, vivre= mourir. S’il ne prend plus aucun risque, il ne lui arrivera rien. Ce mécanisme de défense élaboré sera le seul rempart à l’obligation de vivre dans ces conditions, puisqu’il n’a plus aucun choix.

Le projet de vie va trouver toute sa place pour lui prouver le contraire. Force est de constater qu’il a fallu rajouter vie à projet pour se convaincre que la mort est bien présente dans ces lieux, mort sociale, mort affective, mort d’ennui.

Il est bon de rappeler que l’appellation projet de vie est issue des textes de l’enfance inadaptée, texte qui réglementait la vie d’enfants abandonnés, et pris en charge institutionnellement, daté de ...1948 !

Pour ne pas conclure, on oublie trop souvent qu’une des caractéristiques de la vieillesse c’est celle de transmettre.

Qu’en second lieu, ils sont enfermés. Qu’ils sont en droit d’attendre autre chose que d’être gavés et torchés !

Nous devons privilégier le principe d’être ensemble tout simplement. Là où nous croyons avoir de l’imagination, nous n’avons que des réminiscences. "

2014

 

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